Dans une tribune publiée le 30 septembre 2025 dans les Echos, Stéphane Antiglio, président de la CGF, alerte sur la situation devenue intenable pour les entreprises.
Publié le 30.09.2025
" En France, les entreprises qui ont la volonté de prendre des engagements « responsables » en matière de développement durable sont, à juste titre, saluées.
Mais lorsque ces mêmes entreprises font dans le même temps part de leurs inquiétudes et alertent de leurs difficultés face aux réalités auxquelles certains de ces engagements les confrontent, alors elles se heurtent à une forme d'incompréhension et même de rejet.
Il n'y a pourtant rien de contradictoire dans ces deux attitudes : il s'agit pour nos entreprises de concilier de manière réaliste et donc pérenne le souci du développement durable (sur lequel elles sont d'ores et déjà parmi les mieux-disantes au monde) et celui de leur compétitivité et performance, qui conditionnent leur survie économique.
Soumises à une multiplication inédite de normes et d'injonctions réglementaires, les entreprises françaises peinent de plus en plus à s'adapter à des exigences extrêmement coûteuses d'une part, et à investir d'autre part, là où leurs marchés les attendent.
« Les marges sont absorbées »
Le commerce de gros, qui pèse un million d'emplois et 44 % de la valeur ajoutée du commerce en France, n'échappe pas à cette situation. Ancrées sur tout le territoire et dans toutes les filières - industrie, agriculture, distribution, restauration, santé, BTP -, les entreprises du secteur sont en première ligne des transformations à marche forcée imposées par la puissance publique.
La transition écologique y occupe une place grandissante, mais celle-ci s'ajoute à une avalanche d'autres exigences : facturation électronique,nouvelles obligations de reporting (CSRD), élargissement des filières REP, injonction à la digitalisation… Le tout sans évaluation claire des moyens à mobiliser, ni des délais réellement nécessaires à leur mise en oeuvre.
Ces contraintes exponentielles, couplées à une instabilité réglementaire devenue chronique, asphyxient nos entreprises. Comment planifier des investissements dans un cadre mouvant où les objectifs changent sans cesse ? Comment rester dans la course quand les marges sont absorbées par des obligations nationales déconnectées de la compétition mondiale ? Les distorsions concurrentielles au sein même de l'Europe s'aggravent ; la France retranscrivant plus que de raison les directives européennes…
Ces réglementations augmentant avec la taille des entreprises - via des effets de seuil - ont ainsi créé des freins supplémentaires à leur croissance et à l'émergence d'ETI performantes et de « champions européens ». L'autre risque, comme on le voit aux Etats-Unis, est d'ubériser de nouveaux champs de notre économie, en incitant les entreprises à sous-traiter des activités à faible rentabilité et de plus en plus contraintes.
Investir là où l'Etat nous l'impose, c'est ne pas investir là où, en tant que chefs d'entreprise, nous savons que nous jouons l'avenir de nos activités. Notre première responsabilité restant de ne pas « mettre à terre » nos entreprises et leurs emplois.
Rappeler ces réalités ce n'est pas dire non aux évolutions nécessaires, c'est donner toutes nos chances à nos entreprises de les mettre en oeuvre. L'absence d'anticipation sur les moyens à mobiliser, le mépris des délais nécessaires et réalistes à la mise en oeuvre de dispositifs lourds et complexes et le niveau des exigences imposées aux entreprises s'avèrent la plus sûre façon de compromettre une révolution pourtant indispensable… Les difficultés croissantes que connaissent nombre de TPE et de PME françaises doivent nous questionner collectivement.
Etat et entreprises doivent avancer main dans la main et imaginer une approche globale et systémique, dans des délais compatibles où les investissements pour bâtir le monde de demain servent aussi à consolider la santé des entreprises qui y prennent part.
Rappeler ces réalités ce n'est pas dire non aux évolutions nécessaires, c'est donner toutes nos chances à nos entreprises de les mettre en oeuvre avec succès et d'en faire un atout.
Les grossistes de France, entreprises citoyennes et engagées, sont prêts à participer activement à ces mutations, sans cependant hypothéquer leur avenir."
Stéphane ANTIGLIO, Président de la CGF